Berlin 2018 jour 1

Le pire pour Mayer et le meilleur pour l’Empire.

Grosse frustration pour le décathlonien, énorme déception pour Vicaut et les honneurs pour l’Empire du sprint britannique. Heureusement Amdouni fut étincelant après un finish mémorable.

Pourtant, tout avait bien commencé. Je m’installe dans le stade dès potron-minet pour un vacancier (c’est à dire 9h30), mon carnet de notes à la main où j’ai noté les 10 records personnels de Kevin Mayer et ses 10 performances pour son meilleur décathlon. Maestro, vous pouvez envoyer la musique. 100m : 10’’64. Record personnel d’entrée. Le public en salive déjà, le 1500m de demain sera, c’est sûr, la quête finale vers le record du Monde.

Puis, Mayer attaque le saut en longueur le mors aux dents. Il a les canines de guerrier. Il a les crocs. Mais patatras ! En plein dans les dents. S’est-il pris pour l’Uruguayen Luis Suarez lors de la coupe du Monde de foot 2014 ? En tout cas il a bel et bien tout mordu. La foulée ne s’adapte pas à la plasticine, la garce y mord. Le speaker peut user de tous les oxy-mores : c’est « eine kleine Katastrophe ». Kevin peut avoir une dent contre lui. Il a imité Eunice Barber qui avait mordu ses 3 essais au poids à Edmonton en 2001. La cinquantaine de supporters arborant fièrement « Kéké la braise » sur leur tee-shirt rouge quittent le stade dans un silence de…mort.

 

Terrible râteau pour le Champion.

Et pour enfoncer le clou, les 2 autres décathloniens Ruben Gado et Romain Martin imitent leur leader. 3 Français 9 essais mordus. Par ici la sortie.

Pendant ce temps-là, une famille s’amuse. Première, deuxième et troisième série du 400m : victoires de Kevin, Jonathan et Dylan Borlee. Une bonne histoire belge.

Sur steeple, les 3 Français assurent comme Rénelle Lamote sur 800m. Il est important de rappeler que la digestion avant un double tour de piste n’est jamais à négliger. Ce n’est pas la demi-fondeuse polonaise Sabat, en quête d’un sac plastique à 10m de mon siège qui me contredira. On n’a pas tous des sapins du Petit Kerzu à portée de main.

Heure de la pause déjeuner et de la minute culturelle. Aux abords du stade se trouve curieusement une cloche avec 2 svatiskas seulement refondues à 25%. Pourquoi n’effacer que partiellement ce douloureux symbole ? (qui au contraire illustre dans les mystiques orientales un signe de bon augure) Mystère.

Si cette enceinte est mythique pour l’Histoire et pour le sport en général (on notera que 2 records du Monde du 100m y ont été établis avec 73 ans d’écart), remarquons que si Jesse Owens n’avait pas gagné, le symbole se serait appelé Ralph Metcalfe. Lui aussi était noir américain, lui aussi avait battu le record du Monde 2 ans auparavant et lui aussi faisait partie du relais 4*100m couronné. Et pourtant qui le connaît ? Terrible mais la postérité ne retient jamais les 2èmes.

Plus prosaïquement, je finis ma balade par une rencontre traditionnelle. Mon Suédois !!! Karl !! Il a un casque de viking et toujours la même tenue. Il me reconnaît et me sert du « comment vas-tu Laurent ? Et Rebeca ? » (en français dans le texte). Quelle mémoire ! Je ne l’avais pas vu depuis Moscou 2013. Il a assisté à tous les championnats du Monde. Si je vais à un événement athlétique international, je suis sûr de le croiser. Mais quelque chose ne va pas : il boit de la vittel. On se promet de se revoir avec une boisson plus couleur locale.

La session du soir débute. Les Polonais Nowicki et Fajdek explosent le marteau. Je vais peut-être leur refaire le coup du drapeau (cf 4*100m Polonais et Berlin, stade olympique, lundi 17 août 2009, écran géant et France Télévision). Les demi-finales du 100m femmes et hommes font ressortir 2 grands favoris. Vicaut et Asher-Smith. Sur 400m haies, le Rennais Victor Coroller doit laisser filer l’étoile norvégienne Warholm dans la stratosphère. A suivre donc son tête à tête avec le Turc Copello pour le titre. 

Ludy Vaillant les accompagnera.

A la perche, Ninon Guillon-Romarin fleure bon pour la finale.

Vient le chef-d’œuvre Amdouni. Un rythme tranquille pendant 8km d’un train turco-kenyan naturalisé pendant que le Français attend son heure. Un dernier 400m à la bagarre avec le Belge Abdi, l’Italien Crippa et l’Espagnol Mechaal pour un couronnement corse mérité.

Son discours en français au micro du speaker est interminable et du coup très drôle. Il remercie la terre entière: sa femme, la famille, l’entraineur, le président, la DTN, toute l’équipe bleu-blanc-rouge, le facteur, le boulanger, le fromager, le chauffeur du bus, la France, l’Allemagne. Tout le monde. Et traduction laconique du porte-micro: « vous êtes un public extraordinaire ». Un commentaire justement sur l’ambiance. Le stade est très grand et n’est donc pas rempli mais le public est très connaisseur. Il encourage, est très réactif et connaît bien les athlètes. Il est aussi aidé par le fait qu’on sert de la bière dans les travées mêmes de l’enceinte. Certains consomment toutefois parfois étrangement de l’eau. Du coup, lors de la présentation de la finale du poids et de son champion David Störl, triple tenant du titre, les décibels montent encore en puissance.

Alors même si ce n’est pas du Wagner, lorsque le favori, aidé par tout un stade en feu, prend la tête du concours au premier essai, on a l’impression qu’on va envahir la Pologne pour plagier Woody Allen. Malheureusement pour la star locale, le Polonais est coriace. Haratyk et Bukowiecki ne se laissent pas compter et signent un nouveau doublé pour les « rouge et blanc ». Ca doit être leur sœur que connaît Lino Ventura dans « Les tontons flingueurs ».

Au milieu de cette ferveur, l’info tombe. Purée ! Plus de Vicaut ! Il devient probablement le seul athlète à battre un record des championnats sans participer à la finale. J’espérais sa meilleure performance personnelle et donc d’Europe. Que nenni ! Il devait y avoir des signes indiens : Hugues remporte le 100m avec une nouvelle marque des championnats. L’outsider italien Tortu, seulement 5ème, n’a pu rattraper le lièvre. C’est un doublé britannique avec Prescod deuxième.

Alors pour le nouvel homme le plus rapide d’Europe, j’ai innové : c’est lui qui me prend en selfie.

Chez les filles, comme prévu, l’Anglaise Asher-Smith hache le menu fretin.

L’Allemande Lückenkemper, qui n’est pas une chanceuse quimpéroise, surprend en prenant l’argent dans un stade conquis. Soulignons que la mascotte est la même qu’en 2009, elle a juste changeur de couleur de vêtements. Mais elle est toujours très drôle. Vous croyez que le type est coincé dedans depuis 9 ans?

A suivre.